La trentaine, Mme Ahlonsou G, habite le quartier Missekplé (Sainte Rita) à Cotonou dans une maison en matériaux précaires. Mais, comme tous les habitants de ce quartier situé dans une zone de bas-fonds, c’est une vie sans toilettes qui se mène ici. « Au début, on utilisait les latrines des voisins. Mais après, ils ont refusé. Donc, on est obligé de faire autrement. Nous attendons le soir pour aller aux toilettes dans les herbes », raconte-elle. Avec son mari maitre-maçon, et leurs deux enfants, depuis qu’ils ont décidé de se poser chez l’oncle du mari à la recherche du travail, ils ont appris à faire comme les gens de ce quartier. Pour éviter les regards dans la journée, ils ont imaginé d’autres moyens. Refusant de nous avouer ses moyens, après insistance, elle décide finalement de nous décrire le procédé. « Nous sommes obligé d’utiliser des sachets que nous jetons dans la brousse », nous confie-t-elle avant d’ajouter « nous savons que ce n’est pas bon mais comment voulez-vous qu’on fasse puisque nous n’avons pas d’argent pour construire de latrine ». Non loin, dans la maison Goudou qui abrite cinq locataires, la situation est la même.
La maison ne dispose pas de latrine. Tous les moyens sont bons pour se soulager. « Mon voisin et moi avons négocié avec la maison d’à côté pour utiliser leur toilette. A la fin de chaque mois nous payons », nous signale l’un des locataires qui témoigne également que c’est la brousse qui accueille les gens de ce quartier où très peu de ménages disposent de toilettes.

Pourtant, ils n’ignorent pas les conséquences et cet habitant du quartier rencontré, sans hésiter, soutient : « Oui, ça pollue l’environnement. Et c’est dangereux pour la santé. Mais que peut-on peut faire contre cela ? ».

A l’instar de cet habitant, dans leur ensemble, les populations de ce quartier où les toilettes sont une denrée rare, avouent leur impuissance face à l’inexistence dans les maisons de latrines. Mais, loin d’être un cas isolé, la situation est la même dans les quartiers situés dans les bas-fonds où l’insalubrité a droit de cité. C’est également le même constat dans les zones rurales de notre pays. Et les statistiques ne mentent pas. Selon le ministère de la santé publique ayant en charge l’assainissement de base, environ 87% des Béninois en milieu rural pratiquent la défécation à l’air libre.

Face à une telle situation, on assiste à une lenteur dans les actions comme réponse. Car, en 2012, l’évolution du taux d’accès des ménages aux latrines familiales a connu une baisse de -5% par rapport à la cible de 2012 selon les résultats de l’Enquête Démographique de Santé du Bénin (EDSB 2012). Une contre-performance que la Direction Nationale de la Santé Publique (DNSP) explique par l’abandon par les populations de l’approche de promotion de l’hygiène et de l’assainissement (PHA).

En milieu scolaire, la situation n’est pas rose et le Bénin a encore des écoles sans toilettes. Le taux de couverture en ouvrages adéquats d’évacuation des excrétas en milieu scolaire en 2012 est seulement de 53%. Donc, près de la moitié des écoles de notre pays ne disposent donc pas de toilettes exposant ainsi les nombreux écoliers aux risques de maladies.

A la dernière revue annuelle du secteur, le DNSP, Orou Bagou Yorou Chabi avait une fois encore tiré la sonnette d’alarme face à la lente progression des chiffres dans ce sous-secteur. En effet, le rythme de progression annuelle est de moins 1%. Ce qui compromet les chances de notre pays d’atteindre les OMD. Car, sur un objectif de 69% pour les ménages, on est encore à peine à 46% des ménages qui ont effectivement accès aux ouvrages adéquats d’évacuation des excrétas.

Sonner la mobilisation générale

Face au tableau sombre, la réaction des autorités centrales et locales manque de promptitude et celle des populations appelées à un changement de comportement, toujours attendue.

En matière de politique et de stratégie, le Bénin traine encore les pas puisque, si le processus de relecture est venu à terme, la politique n’est toujours pas adoptée par le gouvernement. Une situation qui témoigne du peu d’intérêt qu’accorde le gouvernement à ce secteur qui touche pourtant à la santé des populations. Dans leur ensemble, les acteurs qui s’échinent à sensibiliser les autorités et les populations, sont unanimes pour le reconnaitre. « L’hygiène et l’assainissement ne sont pas priorisés dans notre pays et dans les communes », se lamente Pie Djivo de la Direction Nationale de la Santé Publique au Ministère de la Santé.

A l’occasion de la Journée Mondiale des toilettes célébrée le 19 novembre, Félix Adégnika de la société civile qui juge la situation du Bénin « catastrophique », invite à un changement de paradigme. « Les autorités centrales doivent repenser la question de l’hygiène et de l’assainissement dans notre pays », soutient-il avant de souligner qu’il est important de saisir l’occasion de cette journée pour « booster » le secteur par des gestes forts de l’Etat central et des communes. En saluant l’avènement de cette journée, Guy Glégbadja de la GIZ, lance un appel pour renforcer la sensibilisation et porter plus haut l’information.

Demain, cette journée passera mais la situation de notre pays avec un grand nombre de ses populations sans toilette restera. Le message, lui, sera le même, tant que cette situation ne change pas.

Alain TOSSOUNON
Réseau des Journalistes Béninois pour l’eau et l’assainissement (RJBEA)